Mi-novembre : temps gris, temps pluvieux, temps morose, tant pis... on se casse ! L'hésitation à prendre nos valises aura presque été aussi longue que le temps nécessaire à poser ces quelques constats un dimanche après-midi en regardant la pluie couler le long de la vitre. Après quelques recherches rapides et malgré mes hésitations, nous choisissons Tenerife : île principale de l'archipel des Canaries en "plein cœur" de la Macaronésie, pour une semaine improvisée. J-15 avant le départ.

À la recherche de l'éternel printemps.
Il suffira de 4h30 d'avion pour apercevoir la pointe du volcan El Teide parmi la mer de nuages qui signale l'arrivée sur ce territoire hispanique situé au large du sud du Maroc, à quelques kilomètres du Tropique du Cancer. Au fur et à mesure que l'avion entame sa descente je visualise cette île volcanique double face : un côté pile désertique et un coté face à la végétation luxuriante. Atterrissage. En attendant la descente de l'avion, le sourire s'empare de nos visages lorsque nous voyons les prochains passagers parés de short, t-shirt et lunettes de soleil. Les portes de l'avion s'ouvrent et tous sentons le flot de degrés supplémentaires s’engouffrer dans l'avion. L'île de l'éternel printemps porte donc bien son nom. Température moyenne en plein mois de novembre : 20°C.
Île idyllique ou station balnéaire surfaite ?
Je dois l'avouer, les Iles Canaries et Tenerife y compris, ne figuraient pas dans mon top 10 des destinations à découvrir. À tort. Des a priori solides à son égard : côtes bétonnées de clubs low-cost aux piscines surchargées, pour les remplir des bus saturés de sexagénaires fraichement retraités avides d'aventures prudentes en tour operator, des plages ambiance "chichi - beignets - chouchous" ou plutôt "CHICHI-BEIGNETS-CHOUCHOUS", et autres lieux touristiques à l'affluence digne d'un jour d'ouverture de soldes chez Kiabi... ou Mango. Préjugés erronés !
Certains pourront dire qu'il y a malgré tout une petite partie de l'île sur laquelle il est possible de constater quelques-uns de ces clichés et d'autres encore. En effet, il est possible comme presque partout ailleurs je le crois, de séjourner en totale autarcie dans un de ces centres de vacances all inclusive. Le chemin le plus long à parcourir pourra alors être celui qui permettra d'accéder à une somptueuse plage de sable blanc, totalement artificielle. Créées par importation de sable fin en provenance directe des dunes du Sahara, les quelques plages de sable blanc ont été façonnées pour faire le bonheur des touristes occidentaux. Quoi de mieux que le sable blanc pour faire ressortir le teint halé des femmes à la bouche en cœur, armées de selfie-stick constamment dégainés? Quoi de mieux que le sable blanc pour faire ressortir le teint presque halé des surfeurs blancs-becs en manque de vitamine D, venus à la recherche de "spot" où trouver la "wave", et par la même occasion, leur meilleure photo de profil ? "Toute ressemblance avec un de vos amis n'est peut-être pas fortuite".
L'urbanisation est-elle pire qu'ailleurs ? Probablement pas, en tout cas je ne le crois pas. Dès lors que le découvreur fera la démarche de s'extraire de ces zones vers lesquelles il est commercialement orienté, il partira à la découverte des fabuleuses plages de sable noir qu'offre naturellement cette île volcanique. Il découvrira aussi une île à la fois fertile et aride, désertique et luxuriante, mais aussi passionnante autant que ses habitants en sont passionnés. Alors île idyllique ou station balnéaire surfaite? Ni l'une, ni l'autre, et ça tombe bien puisqu'elle ne semble vouloir jouer dans aucune de ces catégories.
Découverte d'une île aux milles visages.
Sortis de l'aéroport, les premiers kilomètres annoncent la couleur du séjour. Terres rocailleuses parsemées de cactées à ma droite, océan à ma gauche. Plus loin, les premières vues du Teide laissent entrevoir les longues (ou trop courtes) heures que je passerai à tenter d'immortaliser notre passage sur l'île.
Nous découvrirons au fur et à mesure de notre séjour que quelques mètres suffisent pour passer d'une ambiance désertique, quasi-lunaire, à un environnement verdoyant et tropical. Il en va de même pour les températures. Si au réveil, calmement installés à l'extérieur pour un petit déj', nous profitons allègrement des 20 degrés printaniers, en quelques minutes et quelques kilomètres le mercure sait chuter dès lors que l'on arrive, par exemple, à l'aune d'une forêt humide et brumeuse.
Il en va de même pour l'environnement habité. Ayant trouvé notre dortoir dans ces secteurs urbano-touristiques "quanti", quelques centaines de mètres marquent la sortie vers des villages plus "tradi" bien plus "quali". Dès lors, Tenerife culturelle est bien plus prégnante. Indubitablement, l'influence hispanique est visible un peu partout, dans l'architecture notamment. Cependant, dès lors que l'on s'intéresse à la culture canarienne, on peut constater la distinction faite avec fermeté par ses habitants entre l'Espagne et les Canaries. Traditionnellement, les habitants de cette communauté autonome se considèrent d'abord et avant tout comme Canariens, avant d'éventuellement, se considérer comme Espagnols. Canaries, Catalogne : même combat.
Bien évidemment, et vous vous en doutez, il y a 1 000 choses à raconter sur cette île longue de 80 km aux extrémités les plus éloignées. J'en mettrai 999 de côté et n'en retiendrai qu'une : le monstre El Teide.
Volcan Teide ? Non. Monstre El Teide, oui.
Quelques lignes m'ont permis de commencer à vous décrire la diversité cet environnement qu'il est possible de contempler sans jamais, je crois, se lasser. Incontestablement il représente à mon sens l'attrait majeur de cette île, le volcan en son centre. Elle lui doit d'ailleurs son existence. En effet, l'île toute entière est constituée de la partie émergée d'un ensemble volcanique qui prend naissance environ 3 000 mètres sous le niveau de l'océan. Le volcan El Teide et ses 3 718 mètres constituent le point culminant de cette île et de cet archipel espagnol. Par ailleurs, occupant la troisième place des volcans les plus hauts du monde (les deux premiers se situant à Hawaï), il dépasse le plus haut sommet pyrénéen et assume avec élégance son statut de toit de l'Espagne à 1500 km se sa métropole. El Teide - endormi mais pas éteint -, si grand, si beau et si majestueux soit-il, n'est pourtant pas le père de l'île de Tenerife toute entière. Le niveau de mes connaissances en volcanologie, proche du niveau de la mer, me faisait croire le contraire. Il est en réalité le plus haut des quelques 300 volcans répertoriés sur l'île.
La découverte du volcanisme, si structurant pour l'île et ses habitants, était un des points forts de ce séjour. Aussi nous nous sommes lancés à l'assaut du (presque) sommet du volcan. Sac à dos de randonneur fixé sur le dos, chaussures lacées jusqu'aux genoux, bâtons de marche solidement agrippés et ravitaillements ravitaillés, voilà l'équipement nécessaire pour se lancer dans la randonnée de plus de 6h qui conduira jusqu'au sommet du Teide. Perso, je me suis dit que 90 min de voiture c'était aussi très bien pour accéder en haut des 3 200 premiers mètres. Avouez que vous avez au moins douté :-).
En effet, et c'est un des points forts de l'île, l'aménagement est excellent et rend possible à tous l'accès au plateau du Parque Nacional del Teide situé à 3 200m. Cet aménagement est par ailleurs esthétiquement discret, caractéristique indispensable pour ce site inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Sa protection est un impératif, et sa préservation une obsession.
Déjà à cet endroit les vues panoramiques sont remarquables. À cette altitude, seuls 500 petits mètres nous séparent du cratère et pourtant il me parait inaccessible.
Si son accès est réservé à quelques 200 privilégiés par jour pour le préserver (il vous faudra pour cela réserver près de 3 mois à l'avance), un second pallier à 3500 mètres est accessible sans restriction. Ici, l'accès par la route est impossible. Compter une randonnée de 2h à un rythme soutenu. Une condition physique de joggeur du dimanche ? Oubliez. Pour vous, un téléphérique vous y conduira. Pour moi aussi ok, mais exclusivement pour une question de timing n'en doutez pas !
Arrivés au second check-point, quelques difficultés font leur apparition. Le froid d'abord. À 3 500 m il ne fait plus que -1,5 °C. Le manque d'oxygène ensuite. Grimper quelques mètres n'est plus tout simple : fourmillements dans les membres, respiration qui s'accélère, et quelques vertiges sont des signes que nous constatons. Évoluer sur les pentes du Teide se mérite. À cette altitude, plusieurs dizaines de minutes sont nécessaires pour faire à peine quelques centaines de mètres pour ceux qui, comme moi, ne sont pas habitués à ces conditions. Voir que le gardien enrobé, mais habitué, a tout autant de difficultés que moi à avancer est rassurant et plaisant à la fois.
Arrivés à l'extrémité du sentier, au dessus d'une "mer de nuage" le panorama y est exceptionnel. À ce moment précis mais aujourd'hui encore, il me semble impossible de pouvoir se lasser de cette vue quasi-irréelle. Assis, calmement, paisiblement, et à l'écart de tout randonneur, la plus inattendue des découvertes s'offre à nous. Ni végétation, ni animaux, et protégés du vent, nous découvrons le silence le plus total : sensation indicible dans un environnement comme celui-ci. Il est je crois, presque chimérique de profiter d'un silence absolu dans nos vies civilisées. Bouleversement sensoriel. Houston êtes-vous là ?
Inutile de préciser davantage que cette journée a été fantastique. Par crainte de minimiser la splendeur du lieu, je crois plus pertinent de vous laisser la découvrir. C'est de loin ce que j'ai vu de plus beau. C'est cul-cul j'en conviens, mais c'est tellement ...
Pour compléter notre découverte du volcanisme canarien, nous irons également dans les entrailles du volcan (ça fait aventurier hein ?!) visiter le tube volcanique de la Cueva del viento. Il s'agit de galeries formées et sculptées par la lave sur les pentes de certains volcans lors d'éruptions. Celui-ci représente le cinquième plus long tube volcanique découvert à ce jour dans le monde, les 4 premiers étant tous situés - encore - au sein de l'archipel d'Hawaï. Vous voyez où je veux en venir ?
Tenerife, bien plus qu'un volcan.
Inutile d'insister, vous avez je crois compris que j'ai été subjugué et époustouflé par tout ce qui avait attrait au volcanisme de cette île. Tellement que la découverte d'autres volcans, plus exceptionnels encore, qui plus est en activité, fait aujourd'hui partie des objectifs et devient à ce titre un critère pour le choix de prochaines destinations.
En choisissant de consacrer principalement ces quelques lignes à cette découverte majeure qu'est El Teide, j'ai bien conscience d'exclure, de fait, tout le reste. Tout ce reste n'en est pas moins appréciable et il donne par sa globalité et sa diversité, tout son sens aux "milles visages" de l'île : forêts tropicales, plages de sable sable noir et océan à 20°C, jardins botaniques, et cætera et cætera.
En résumé, Tenerife a été pour moi une véritable surprise pour ce que j'ai pu y découvrir. Si vous avez toujours et malgré tout, encore quelques a priori sur cette destination, faites-les tomber et volez-y passer quelques jours intenses et riches en découvertes.
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